Dans le paysage des industries culturelles du Québec, Ubisoft fait figure à part. D’abord par sa taille. Étant l’un des plus grands studios de jeux vidéo du monde, le studio de Montréal, de pair avec les studios de Québec et de Toronto, fait figure de géant sur la scène de la production culturelle du pays.

Si elle se distingue par ses moyens, Ubisoft, comme entreprise, se différencie aussi par sa volonté de faire de la convergence une stratégie centrale à la mise en marché de ses propriétés intellectuelles (PI) les plus populaires. Ayant pris un engagement ferme en ce sens il y a quelques années, Ubisoft a créé le studio UbiWorkshop qui a pour mission de produire les autres formats relatifs à une PI. Lors de l’après-midi du FNC Pro animé par MC2 Communication Média, Louis-Pierre Pharand, le directeur d’UbiWorkshop, viendra nous présenter la stratégie du studio envers une figure emblématique de cette stratégie : la série Assassin’s Creed.
Les jeux AAA (sur consoles et PC) en eux-mêmes ont connu un succès retentissant. La série ayant maintenant trois opus sur le marché, un quatrième devrait voir le jour en novembre, chaque copie a connu un tirage de bien au-delà de 6 millions (on parle de plus de 8 millions pour le premier et plus de 10 millions pour le deuxième). Des chiffres astronomiques, tout spécialement dans le contexte de la fragmentation du marché que connaît l’industrie du jeu vidéo depuis quelques années.
Autour du succès retentissant que connaissent les jeux AAA de la série, la base de la PI, gravitent toutes sortes de produits dérivés comme les bandes dessinées, un jeu Facebook (qui compte 156 327 joueurs actifs), des jeux pour mobiles, une encyclopédie et des vêtements. Pour le lancement de son second opus, Ubisoft s’est payé le cinéaste Yves Simoneau pour réaliser trois courts métrages publiés directement sur YouTube. Résultat : des millions de visionnements sur le Web et une communauté Facebook forte de plus de 2,4 millions de membres.
Il est légitime, cependant, de se questionner sur l’apport véritable de la stratégie transmédia dans ce succès. En effet, la vache à lait de cette propriété se trouve dans les jeux AAA. La première mouture d’Assassin’s Creed a remporté un énorme succès sans l’apport d’une stratégie de déclinaison sur plusieurs plateformes, s’appuyant simplement sur une mise en marché plus traditionnelle.
Fort est à parier que les produits dérivés d’Assassin’s Creed ne sont que peu profitables, voire pas du tout. Si la série de films Assassin’s Creed Lineage s’inscrivait dans une démarche de mise en marché pure, la production des produits dérivés ne s’adresse généralement qu’à des admirateurs déjà convaincus de la nécessité, pour eux, d’obtenir le prochain jeu aussitôt qu’il sera en magasin.
Je ne peux pas parler pour Ubisoft, mais je suppose qu’ils auraient deux principales réponses à nous adresser, à supposer qu’on leur pose la question (qui sait, peut-être le 18 octobre). La première est que de construire une communauté forte est une activité qui s’inscrit dans le temps. On arrive pas à créer une page Facebook rassemblant 2,4 millions d’admirateurs en une semaine et sans effort. Maintenir l’intérêt d’une communauté demande une production de contenu et les produits dérivés des jeux permettent de tenir chacun en haleine en attendant la sortie du prochain jeu. Ubisoft mise à long terme sur cette PI qui est l’une de ses plus rentables et cet effort continu s’inscrit dans cette logique.
À ce titre, et je pourrais me tromper, il m’apparaît que les suites d’Assassin’s Creed s’enchaînent à un rythme d’enfer. Si on compte deux ans entre le premier jeu (2007) et le second (2009), période durant laquelle de grandes améliorations ont été apportées, les deux suivants sont apparus très rapidement sur le marché. Brotherhood est sorti en 2010 et Revelation arrivera sur les tablettes en novembre 2011.
Pour produire aussi vite, impossible de réviser son jeu de fond en comble (Brotherhood se voulait surtout une version pour introduire le mode multijoueur, on y gardait le même personnage et on évoluait dans sensiblement le même environnement; on sait déjà que Revelation nous réserve un peu plus de surprises). Selon moi, si Ubisoft se permet une telle cadence, c’est en grande partie parce que ses dirigeants ont des preuves tangibles qu’une communauté forte est prête à recevoir chacun de ses nouveaux jeux. Une communauté qui connaît les tenants et aboutissants d’un univers et qui attend le dévoilement de certains secrets. Est-ce qu’une campagne traditionnelle arriverait aux mêmes résultats ? On peut en douter.
Il y a peut-être encore plus important pour Ubisoft dans cette relation avec ses partisans. En stimulant l’univers d’Assassin’s Creed de la sorte, le studio ouvre toute grande la porte aux fanfictions (aux fictions des admirateurs, si on veut.) Dans son ouvrage Convergence Culture (qui a, en quelque sorte, défini ce qu’était le transmédia), Henry Jenkins a porté une longue attention à la signification pour une marque de voir grandir de nouvelles histoires qui ne sont pas de son cru au sein de son univers.
Les fanfictions sont essentiellement de courtes vidéos, des nouvelles, des dessins ou toute forme d’art dérivé de l’univers d’une PI. Il s’agit d’un espace que les admirateurs d’une série s’approprient pour laisser aller leur créativité au sein d’un univers qu’ils apprécient. De grandes propriétés intellectuelles comme Star Wars et Harry Potter ont su encourager ce type de production à leur profit.
Le nombre de fanfiction qui entoure Assassin’s Creed est impressionnant. Si vous tapez « Assassin’s Creed fanfiction » sur Google, vous trouverez pas moins de 659 000 résultats. À mon avis, une fanfiction représente un peu le Graal du développeur de communauté. De fait, il peut difficilement y avoir un engagement plus grand de la part d’un amateur. L’écrivain de fanfiction est le meilleur ambassadeur qui soit : il offre du travail créatif gratuitement et le distribue gracieusement auprès d’amis et d’amateurs du genre.
Si la qualité n’est pas toujours au rendez-vous, il n’en demeure pas moins qu’une entreprise comme Ubisoft ne peut tenter que de profiter de cet effort des masses. Quelle est la relation d’Ubisoft avec ce genre de création ? Comment font-ils pour gérer un univers qui devient de plus en plus un espace de création collaborative ? Ce sont les questions que l’on pourra poser à Louis-Pierre Pharand le 18 octobre prochain dans le cadre du FNC Pro.
C’est fou ! Moi j’ai trop hâte qu’il sorte !! Regardez çà: http://www.playfrance.com/news-image210091972-ps3-gagnez-un-tirage-d-art-assassin-s-creed-361915.html ! On peut gagner les tirages encadrés sur PlayFrance, ça vaut le coup, ils sont vraiment pas mal ! http://www.playfrance.com/concours-49.html?src=banniere