Le Festival du Nouveau Cinéma a récemment dévoilé le programme de son volet professionnel. MC2 a décidé, cette année, de s’associer au festival par intérêt envers les nouvelles formes de contenus que permet l’interactivité. Cette série de billets se voudra donc une réflexion en amont en vue de cette journée du 18 octobre prochain et un début de réflexion sur l’ère annoncée de la télévision sociale.
Une des questions à laquelle nous aimerions répondre chez MC2 est celle de la collaboration du public au sein de productions vouées à leur divertissement. L’interactivité étant une condition sine qua non au financement de productions convergentes par les deniers publics, il nous semblait important de se poser la question suivante : est-ce qu’interactivité implique nécessairement la collaboration du public?
À première vue, on sera tenté de répondre que oui. Dans un certain sens, dès que l’on pose l’interactivité comme une caractéristique intrinsèque d’une production, on établit que le spectateur devra minimalement « collaborer » avec la création puisque celle-ci nécessite sa participation pour dévoiler son contenu, pour faire en sorte que « l’histoire avance ».
Mais est-ce que cet appel à l’action est une valeur ajoutée en soi à la production ? Après tout, nombre de spectateurs préfèrent de loin assister passivement à la lecture d’un produit à l’interaction avec celui-ci.
Cette conception a priori de la consommation de contenus est controversée. Dans son ouvrage « Reality Is Broken: Why Games Make Us Better and How They Can Change the World », Jane McGonnigal argue que les spectateurs préfèrent de loin être actifs que passifs et que ce serait une raison du grand nombre d’heures que peuvent passer des joueurs devant un écran si on les compare aux consommateurs de télévision ou de cinéma.
Ce n’est pas dire que l’habitude de relaxer devant un bon film est appelée à disparaître, mais plutôt qu’il doit y avoir un équilibre entre le temps passé à se divertir de façon passive et active. Nous avons tous déjà ressenti cet état vaguement nauséeux et dépressif qui suit un grand nombre d’heures à écouter des séries. On a beau avoir passé la journée à « ne rien faire », emmitouflée dans une couverture chaude devant notre série préférée, reste que l’on en sort aussi fatigué que si on avait passé une journée à travailler à l’ordinateur.
Le pas théorique à franchir n’est pas grand pour en déduire qu’un consommateur cesse son engagement avec une forme de contenu non parce qu’il en a assez de cet univers, de ces personnages et de cette histoire, mais plutôt parce qu’il est saturé de la forme dans laquelle on lui sert. En alternant divertissement passif et actif, on peut croire qu’il est possible de prolonger l’expérience du spectateur, d’augmenter son engagement envers le contenu et envers la marque, améliorant la pérennité culturelle et économique du contenu dans le temps.
Pour nous éclairer sur nos premiers pas dans cet espace de l’interactivité en tant que collaboration, le projet Storming Juno de Secret Location, dont James Milward va venir discuter, est un bon départ. (Voir mon billet précédent ici).

Le site propose une interactivité plutôt simple. Il permet aux internautes de se plonger au cœur d’une bataille figée dans le temps. En circulant dans cet espace, on trouve différentes « entrées » qui s’ouvrent sur des entrevues glanées lors de la recherche soutenant le film pour la télévision. On peut alors écouter le témoignage du survivant tout en lisant sa biographie ou en regardant des photos d’époque. D’autres parties du site offrent un « behind the scenes » plus classique.
Aujourd’hui, Storming Juno a remporté un FWA site of the day et a remporté un Gemini pour la meilleure déclinaison multiplateforme pour un projet n’étant pas de la fiction. Déjà, nous pouvons croire que cette recette qui a su se mériter l’approbation de l’industrie. Quels furent les résultats réels de cette addition au contenu traditionnel ? Il faudra poser la question à James Milward !